B’chira Ben Mrad
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Parler du mouvement féminin en Tunisie, c’est évoquer avant tout le nom de B’chira Ben Mrad, qui fut la première femme à penser, vers les années 30, à créer une organisation féminine. Sur les photos illustrant ses activités, elle nous apparaît à la fleur de l’âge, voilée ou dévoilée, parlant devant une assemblée, manifestant dans la rue, assistant à des meetings et congrés, luttant contre la colonisation et pour la libération nationale. “En 1936, B’chira Ben Mrad, écrit Souad Bakalti, organisa la première réunion féminine pour la cause du mouvement national”.
Rôle des mouvements féminins
Aux côtés des mouvements politiques et syndical, d’autres groupes issus de la société civile , comme les mouvements féministes, ont participé à leur manière à la constitution d’une identité nationale commune et à la mobilisation contre le protectorat. Avec les changements socio-économiques et culturels intervenus dans le pays au début du XX e siècle, la question de la femme passe d’une question annexe à une partie intégrante du projet socio-politique de libération nationale, ce qui entraîne des débats au sein du mouvement national naissant [ 187 ] .
En effet, l’émancipation de la femme est d’abord vue comme une assimilation à la culture de l’occupant [ 187 ] . En 1924 , puis en 1929 , les interventions publiques de Manoubia Ouertani et Habiba Menchari, qui manifestent leur refus du hijab et de la domination qui en découle [ 188 ] , sont violemment critiquées par le Destour — qui parle de « complicité avec les forces destructrices de la religion et de l’identité tunisienne » [ 189 ] — même si elles constituent les premiers événements marquants de l’émergence du rôle des femmes dans le mouvement national. Manifestantes durant les événements d’avril 1938 L’intense activité politique, syndicale et associative des années 1930 contribue grandement à la prise de conscience de la société en général et des femmes en particulier. Trois tendances se distinguent : la gauche socialiste et communiste partisane d’une modernisation radicale de la société, les nationalistes luttant contre ce qu’ils considèrent comme certains archaïsmes et les conservateurs liés à la mosquée Zitouna et attachés au maintien de leur statut social [ 190 ] . Ces derniers sont paradoxalement les premiers à encourager, au nom de la sauvegarde de la culture islamique, la fondation de groupements féminins. Destinés à contrer l’influence occidentale sur la femme tunisienne, ils agissent par le biais d’actions d’émancipation en matière d’éducation et de solidarité sociale (bienfaisance) [ 191 ] . Ils participent ainsi à leur mesure à libérer le pays de la domination française. De ce fait, les initiatives individuelles font place à des organisations plus structurées. Celles-ci, dont l’Union musulmane des femmes de Tunisie de Bchira Ben Mrad fondée en 1936 [ 192 ] , attirent aussi bien des traditionalistes que des nationalistes partisanes d’une certaine évolution du statut de la femme [ 193 ] .
Pour Mustapha Kraïem, c’est après les évènements du 9 avril 1938 et la répression du Néo-Destour qu’apparaît le « déploiement spectaculaire de l’activité des femmes tunisiennes » [ 194 ] . Alors que toute manifestation est réprimée par les autorités, les éléments féminins continuent de jouer un rôle essentiel dans la mobilisation populaire, comme à Tazerka le 11 avril 1938 [ 194 ] , et poursuivent la lutte dans la clandestinité, en se réunissant dans des hammams , des zaouïas ou des hôpitaux [ 194 ] . Le 3 janvier 1939 , une manifestation organisée par le Néo-Destour voit l’arrestation de plusieurs manifestantes condamnées à des peines d’emprisonnement d’une durée de quinze jours à un mois [ 194 ] . Toutefois, la mise en place de cellules féminines officielles par le Néo-Destour n’intervient qu’en 1950 [ 194 ] . Elles jouent dès lors un rôle de premier plan, comme en octobre 1951 où plus de 400 femmes manifestent avec leurs enfants devant la direction de l’instruction publique pour réclamer l’institution de l’ arabe comme langue véhiculaire et protester contre la politique privant d’enseignement les filles scolarisables [ 194 ] . De même, le 15 janvier 1952 , 700 à 800 personnes se réunissent à Béja sous l’impulsion de huit destouriennes de Tunis dont Wassila Ben Ammar , la future épouse de Bourguiba [ 194 ] . http://www.africaciel.com/afrique/portail/index/Mouvement_national_tunisien.html#R.C3.B4le_des_mouvements_f.C3.A9minins