Saïd Bouziri (1947 – 2009)
Saïd Bouziri, la mémoire et l’espoir
Libération a publié ce jeudi 2 juillet une tribune dans sa page « Rebonds ».
Pour mémoire Saïd était un des fondateurs du premier Libération.
Le texte signé conjointement par Elisabeth Allès (CMIL) Mohieddine Cherbib (FTCR), Jean Pierre Dubois (LDH), Gus Massiah (Cedetim) et Emmanuel Terray (3ème collectif de sans papiers) comportait à l’origine 5 000 signes mais le quotidien a décidé d’en supprimer une partie. Nous proposons ci-dessous le texte intégral.
« Saïd Bouziri vient de nous quitter. Ce n’était pas une icône de la « diversité » comme on nous en présente maintenant régulièrement sous les ors de la République. Simplement un militant des droits de l’homme, un citoyen engagé, un acteur important de notre histoire sociale.
Quand à l’automne 1972 le gouvernement décide de « verrouiller » l’immigration et entame une politique de restriction des droits des immigrés (circulaire Fontanet), Saïd Bouziri a du retard dans le renouvellement de ses papiers. On lui signifie, ainsi qu’a sa femme Faouzia, un avis d’expulsion sous huitaine ! En fait on reproche à cet étudiant tunisien son engagement pour les droits du peuple palestinien et sa participation à la manifestation du Mouvement des Travailleurs Arabes (MTA) en protestation contre le meurtre du petit Djillali le 25 octobre 1971 à la Goutte d’Or. Saïd entame une grève de la faim qui va être soutenue par l’union locale de la CFDT de l’époque, les églises chrétiennes du quartier Barbes, et de nombreux militants et intellectuels. Devant pareille mobilisation les autorités accorderont à Saïd des papiers « renouvelables tous les quinze jours », une situation qui perdurera…jusqu’en 1982 !
Cette grève de la faim est un événement fondateur des luttes des sans papiers en France, luttes qui vont se développer avec notamment le Comité de Défense de la Vie et des Droits des Travailleurs Immigrés crée à partir de l’action de Saïd, et de nouvelles grèves de la faim, et qui déboucheront sur une circulaire du ministre Gorse prévoyant des régularisations « humanitaires » puis l’annulation par le Conseil d’Etat d’une partie des mesures administratives contre les immigrés. Pourtant les expulsions vont continuer frappant notamment des centaines de jeunes qui sont nés ou qui on grandit en France, bannis après des condamnations mineures, selon le sinistre principe de la « double peine », tandis que le racisme s’étend avec le début de la monté du chômage, les enfants des travailleurs immigrés des années 50 et 60 subissant de plein fouet les discriminations.
Les combats auxquels Saïd à participé débouchent après l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 sur un certain nombre de mesures positives, des régularisations de sans papiers, le droit de libre association pour les étrangers (qui était supprimé depuis 1939), la carte de séjour de dix ans. Saïd fait partie de ceux qui pensent que les mouvements des immigrés et de leurs enfants sont parties prenantes de l’histoire sociale de la France, que leurs luttes concernent toute la société. Il ne méconnait pas non plus l’importance, symbolique et concrète des actes de solidarité avec les pays d’origine de l’autre coté de la Méditerranée. Il ne méconnait pas qu’il s’agit toujours de luttes pour la démocratie politique et sociale pour l’égalité en droit et en dignité.
Les avancées de l’après 1981 sont assez vite contenues, quand elles ne sont pas remises en cause par les gouvernements successifs (par exemple les lois Pasqua de 1993). Les espérances des grandes marches des jeunes pour l’égalité de 1983 et 1984 vont progressivement s’évanouir dans la grisaille des cités et la persistance des discriminations, tandis que xénophobie et racisme se nourrissent des idéologies de la peur de l’autre et de « guerre des civilisations ». Il était en première ligne contre les nouveaux assauts de cette politique mortifère menée aujourd’hui au nom de « l’identité nationale »
En s’engageant activement dans la Ligue des droits de l’homme (LDH), dont il est vite devenu un des animateurs nationaux Saïd poursuit son action dans une organisation qu’il considère comme essentiel pour mener la bataille de l’égalité, celle des idées, celle des combats de tous les jours, des collectifs de sans papiers ou des jeunes des cités, tout en soutenant activement les luttes pour la démocratie et la justice dans le monde arabe du Maghreb à la Palestine, et notamment dans sa chère Tunisie
Avec son ami Driss el Yazami et d’autres ils ont fondé l’association Génériques, remarquable lieu de mémoire et d’histoire des immigrations en France, démonstration de l’enracinement de ceux que certains imaginent toujours comme « autres », contribution à notre histoire commune.
On ne pourra pas remplacer Saïd, le militant, engagé et déterminé, le compagnon joyeux et attentif, le juriste compétent et le pédagogue patient. Mais ils sont nombreux ceux qui continueront dans la voie qu’il a tracé, dans l’action et par la mémoire, pour l’espoir que les hommes soient effectivement libres et égaux en droit ».
Elisabeth Allès (CMIL) Mohieddine Cherbib (FTCR), Jean Pierre Dubois (LDH), Gus Massiah (Cedetim), Emmanuel Terray (3ème collectif de sans papiers).
- Décès de Saïd BOUZIRI, militant des droits de l’homme, président …
- Hommage à Saïd Bouziri – Politis
- GISTI – De la clandestinité à la reconnaissance
- Résultats de recherche de vidéos pour saïd Bouziri
- Réaction suite au décès de Saïd Bouziri – Paris.fr
Le 23 juin 2009 Saïd Bouziri nous a quitté !